vendredi 14 mars 2014

projet de mégacentrale biomasse de Gardanne controversé

France Nature Environnement et une myriade de collectifs locaux s'inquiètent de l'empreinte écologique et de l'inefficacité énergétique du projet de centrale biomasse de 150 MW prévu à Gardanne (Bouches-du-Rhône) par la société allemande E.ON.
Le projet de centrale biomasse de Gardanne (Bouches-du-Rhône) fait couler beaucoup d'encre depuis qu'un arrêté ministériel daté du 29 février 2012 a autorisé E.ON Provence Biomasse, filiale de la société allemande E.ON, à exploiter une installation de production d'électricité de 150 mégawatts (MW) en lieu et place de la tranche 4 de la centrale thermique, qui fonctionne au charbon deux à trois mois par an pour couvrir les pointes électriques de la région. Un projet polémique car la vocation d'une centrale à bois est de produire à la fois chaleur et électricité. "Le rendement du process E-ON de production d'électricité à partir de biomasse n'est que d'environ 30%, sans valorisation de la chaleur produite, ce qui constitue une aberration écologique et un gaspillage notoire de la ressource", s'indignent les élus des réserves de Biosphère du Lubéron et du Pays de Lure.
Cette installation répond à un appel d'offre lancé en 2010, à l'époque où Nathalie Kosciusko-Morizet était ministre de l'Ecologie. Selon France Nature Environnement (FNE), qui corrobore le point de vue des élus locaux, cet appel d'offre "comportait une erreur regrettable" car ne remplissait pas les critères de rendement énergétique minimal du fait qu'il ne s'agissait pas d'un projet de cogénération. Pourquoi une telle dérogation ? Le motif officiel en était que la région PACA est en bout de ligne, à l'instar de la Bretagne. Considérées comme des "îles" électriques, PACA et Bretagne font l'objet d'une possibilité de dérogation pour de la production électrique pure (sans cogénération). "C'est dans cette dérogation que la société E.ON s'est engouffrée", rappelle FNE dans un courrier adressé au ministre de l'Ecologie, Philippe Martin, le 20 février dernier.
Absence de logique territoriale
Le plan d'approvisionnement est en cours de discussion dans le cadre du Comité régional biomasse. "Vu l'ampleur de la demande en combustible, durant les 10 premières années, une part proche de 40% sera importée du Canada et d'autres pays aussi lointains, ce qui est particulièrement mal venu pour des projets qui se veulent locaux. A l'heure où la Commission européenne se penche sur l'élaboration d'une directive sur les critères de durabilité de la biomasse solide et du biogaz, visant en particulier les risques dus aux importations de biomasse, le modèle présenté par E.ON représente une impasse au regard des objectifs de développement des énergies renouvelables en Europe. A partir de 2024, il faudra un million de tonnes par an qui se répartiront en plaquettes provenant de France pour 76%, mais le rayon d'approvisionnement visé est de 400 km, preuve de la très grande difficulté à approvisionner une telle quantité", récapitulent Bruno Genty et Maryse Arditi de FNE.
La seule fourniture de bois régional ne suffira donc pas à couvrir les besoins de l'ogre que sera la centrale d'E.ON à Gardanne, qui absorbera à terme un million de tonnes de bois par an. Ce qui excède largement les capacités de production de bois énergie de PACA estimées au mieux à 700.000 tonnes/an. Les contraintes sur la ressource (accès aux forêts, protections environnementales, morcellement de la propriété, conflits d'usage…) conduisent E.ON à compter largement sur l'importation, et sur une filière déchets verts en devenir. Le partenariat récemment signé avec le Parc national des Cévennes n'apaise pas les inquiétudes des élus du territoire de la réserve Biosphère de Lubéron-Lure, qui, dans une déclaration commune, dénoncent dans leurs principes et dans leurs conséquences les projets de méga-centrales. Sous couvert d'utiliser une ressource renouvelable, ces projets surdimensionnés contribuent au gaspillage énergétique et condamnent la France à importer de la biomasse. A contrario, les élus "défendent la priorité à l'alimentation des chaufferies des collectivités rurales ou des petites unités urbaines visant à l'indépendance et à l'autonomie énergétique nationale".
Quant à l'Autorité environnementale, elle alerte sur l'empreinte écologique du projet sur les forêts, sur les répercussions sur les écosystèmes, la biodiversité et les paysages qui ne sont pas évaluées dans le dossier d'étude d'impact.
Nécessité d'un débat multi-acteurs
Le coût du projet et son financement par les contribuables font également débat, dans ce que Rémy Carrodano, président du collectif Vigilance gaz à Gardanne, appelle "une vaste opération de hold up de l'argent public", alors que ce dossier a été monté "en catimini, sans concertation avec les acteurs locaux". Plus d'un milliard d'euros seront prélevés sur vingt ans sur la facture d'électricité des Français au titre de la participation aux énergies renouvelables, et les prélèvements sur les impôts locaux financeront en partie les investissements, estimés à 220 millions d'euros par E.ON. Sans compter l'entretien des routes, à la charge du Conseil général, endommagées par la noria de camions de 30 tonnes qui achemineront le bois vers la centrale.
Que restera-t-il pour alimenter les projets locaux de chaleur-bois, interroge Rémy Carrodano. Celui-ci souligne "l'absence de logique territoriale de cette centrale qui fonctionnera toute l'année et concurrencera d'autres projets comme des petites unités de chaufferies fonctionnant avec des plaquettes de déchets de bois". L'autorisation d'exploiter a pourtant déjà été signée par le Préfet pour E.ON, qui compte lancer ses investissements sans attendre les conclusions du Comité régional de la biomasse, instance pilotée par le Préfet de Région. Les élus du Parc naturel régional du Lubéron demandent à y être conviés. Le lieu du débat reste à définir.

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